Idéalisé ou redouté, le contrat d’édition se retrouve souvent au cœur des discussions d’auteurs/compositeurs sans réellement avoir de définition concrète.
Pourtant le travail de l’éditeur musical englobe de nombreuses responsabilités trop souvent méconnues et pouvant affecter directement la carrière d’auteurs/compositeurs.
Touchant au patrimoine artistique de tout auteur, s’engager avec un éditeur n’est pas à prendre à la légère et nécessite souvent quelques négociations pour protéger votre propriété intellectuelle.
C’est ici que Groover entre en scène : vous éclairer sur le travail de l’éditeur, les différents contrats d’édition et avoir quelques pistes pour négocier avec l’éditeur qui veut travailler avec vous.
Sommaire :
1. À quoi sert un éditeur musical ?
2. Comprendre les différents contrats d’édition en musique
3. Comment bien négocier un contrat d’édition musicale ?
1. À quoi sert un éditeur musical ?
L’édition musicale se définit par le soutien à la création de nouvelles œuvres musicales et la valorisation d’œuvres existantes.
Comme dit précédemment dans notre article sur les droits dans l’industrie musicale, les auteurs/compositeurs sont les premiers ayants droit sur l’oeuvre mais il est possible qu’après sa confection, les droits de l’oeuvre soient cédés à un éditeur qui va pouvoir exploiter et pérenniser commercialement l’oeuvre sur une durée X.
Devenu titulaire de tout ou partie de droits d’auteur sur l’oeuvre, l’éditeur a pour rôle de générer des revenus provenant de l’exploitation de l’oeuvre cédée par :
- La diffusion publique (TV, radios, concerts…)
- L’achat/streaming de l’oeuvre
- Les placements d’oeuvres en synchronisation
- Les ventes de partition/paroles
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Pour générer ces revenus, l’éditeur va enregistrer l’œuvre à la société de gestion de droits d’auteurs (SACEM. SOCAN, PRS…) pour les droits d’exécution publique (DEP) provenant de la diffusion publique et pour les droits de reproduction mécanique (DRM) provenant de l’achat/streaming de l’œuvre.
Généralement, il y a un suivi de ces droits sur les différents territoires (France, Canada, Japon…) souvent par l’intermédiaire de sous-éditeurs et par les déclarations des setlists des concerts (noms des œuvres jouées) auprès de la société de gestion de droits d’auteurs.
Selon le contrat signé, l’éditeur peut aussi effectuer un travail promotionnel pour diffuser l’œuvre afin de générer des redevances liées aux droits d’auteur et pour maximiser les chances de placer l’œuvre dans des productions audiovisuelles (films, publicités, jeux vidéo…). L’éditeur devra alors négocier le droit de synchronisation pour le compte des auteurs/compositeurs et parfois du label pour la partie master.
L’éditeur peut aussi soutenir la création d’oeuvres musicales et le développement de carrière en facilitant des associations entre auteurs/compositeurs, en approuvant des avances d’argent pouvant aider à la confection de démos (achat de matériel, résidences, temps en studios…) et en recherchant de futurs partenaires (maison de disque, producteur de spectacle…).
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2. Comprendre les différents contrats d’édition en musique
Avant d’énumérer les différents contrats que vous pouvez négocier avec un éditeur, il faut distinguer les 2 piliers essentiels du contrat d’édition : la cession des droits d’auteur et les revenus d’édition.
La cession de tout ou partie des droits des auteurs/compositeurs de l’œuvre à l’éditeur lui permet de garantir son investissement dans l’exploitation de l’œuvre.
Les revenus d’édition découlant de l’exploitation de l’oeuvre se divisent en deux parties distinctes :
- La part auteur (50%) : C’est la part minimum des revenus perçue par les auteurs/compositeurs si l’oeuvre est éditée.
- La part éditoriale (50%) : Elle est négocié avec un éditeur en fonction de son travail, de son réseau et des opportunités qu’il peut apporter à l’œuvre.
Quand on parle de cession des droits d’auteur, il s’agit du droit patrimonial qui permet au(x) détenteur(s) d’exploiter l’oeuvre cédée et de percevoir une rémunération.
Quand un auteur/compositeur cède 100% de ses droits à un éditeur, il n’a plus de droits d’auteur sur son oeuvre mais il conserve le droit de percevoir une partie des revenus (soit la part auteur). Autrement dit : il est possible de céder 100% des droits d’auteur de l’œuvre à un éditeur mais les revenus générés par l’exploitation de l’œuvre ne pourront en aucun cas excéder 50% pour l’éditeur.
Plusieurs options s’offrent à vous lors des négociations avec un éditeur :
- Le contrat de préférence : l’auteur/compositeur réserve à l’éditeur le droit exclusif d’éditer ses œuvres pour une durée distincte (ex : 3 ans) ou un nombre de projets précis (ex : 2 albums).
Généralement, l’auteur/compositeur reçoit une avance d’argent en contrepartie. - Le contrat de cession : l’auteur/compositeur cède à l’éditeur 100% des droits d’auteur sur une œuvre musicale (soit l’entière propriété) avec un partage maximal à 50/50 des revenus d’édition.
Encore très généralement appliqué en France, compte tenu des règles de répartition statutaires de la Sacem, ce contrat s’utilise de moins en moins en Amérique du Nord. - Le contrat de coédition : la propriété des droits d’auteur de l’œuvre est partagée entre l’éditeur et l’auteur/compositeur, ce qui signifie que les revenus de la part éditoriale sont aussi partagés. Étant donné que l’auteur/compositeur ne perçoit jamais moins de 50% des revenus d’édition, le partage des revenus est d’autant plus intéressant pour l’auteur/compositeur qui devient aussi coéditeur de l’œuvre.
Il est cependant important de définir qui aura la charge d’administrer les œuvres négociées dans ce contrat. - Le contrat de sous-édition : l’auteur-compositeur éditant lui-même ses œuvres peut décider de céder une partie de ses œuvres ou mandater un éditeur sur un territoire précis pour une durée X.
- Le contrat de gestion/d’administration : l’auteur-compositeur confie à un éditeur le soin de gérer en exclusivité une partie ou l’entièreté de son catalogue d’œuvres sur une durée précise (généralement 3 ans). En contrepartie, l’éditeur chargé d’administrer ces œuvres, percevra une rémunération (environ 15%) des recettes encaissées sur la part éditoriale, souvent possédé par l’auteur/compositeur dans ce cas.
3. Comment bien négocier un contrat d’édition musicale ?
Chaque contrat énuméré dans la partie précédente pourra vous être proposé en fonction de l’avancée de votre carrière. Mais il est surtout important de comprendre que chaque contrat est négociable.
Voici quelques pistes de négociations à suivre selon ces contrats :
Encore appelé pacte de préférence ou contrat de première option, il est distinct du contrat d’édition. Ajouté à un contrat de cession ou de coédition, il représente une certaine garantie pour l’éditeur de pouvoir récupérer l’investissement réalisé notamment sur les œuvres d’auteurs/compositeurs débutants. Il est donc fortement déconseillé de signer un contrat de préférence si l’éditeur ne s’engage pas (par écrit) à certaines obligations (financières ou de développement de carrière).
De moins en moins utilisé, il est encore généralement proposé par les éditeurs pour s’assurer d’avoir l’ensemble des droits de l’œuvre, d’un revenu plus conséquent mais aussi dans le but d’élargir leur patrimoine musical. En contrepartie, l’éditeur aura l’obligation d’exploiter et d’assurer une diffusion commerciale de l’œuvre cédée.
Comme pour le contrat de préférence, il est primordial de connaître les engagements de l’éditeur pour ce type de contrat et la cession de l’œuvre doit être faite pour une raison. Si les parties (auteurs/compositeurs et éditeurs) souhaitent seulement se partager les revenus d’édition découlant de l’exploitation de l’œuvre (soit la part éditoriale), alors une cession complète n’est pas forcément nécessaire.
La durée de la cession est aussi à négocier pour ce contrat : très généralement, la durée proposée équivaut à la durée du droit d’auteurs (= 70 ans – en France – après le décès du dernier co-auteur de l’oeuvre), mais dorénavant les éditeurs s’accordent à réduire la cession pour une durée de 5, 10 ou 25 ans.
C’est le contrat de prédilection pour tout auteur/compositeur indépendant car il permet de rester en partie propriétaire de l’œuvre tout en gardant aussi une partie des revenus d’édition sur la part éditoriale. L’auteur/compositeur devient alors co-éditeur à compte d’auteur de l’œuvre ou alors co-édite l’œuvre en cédant ses droits à une société qu’il détient.
Évidemment la part de la propriété de l’oeuvre ainsi que les revenus d’édition sont négociables selon l’investissement des co-éditeurs dans l’exploitation de l’œuvre.
Mais attention, ce contrat peut réduire considérablement l’investissement de l’éditeur sur l’œuvre co-éditée et il est donc possible qu’un contrat de cession soit plus adapté au développement de votre carrière d’auteur/compositeur qu’un contrat de coédition. De plus, selon les modalités, la coédition peut comporter un risque financier car l’ensemble des dépenses liées à l’exploitation des œuvres peut être partagé entre les co-éditeurs.
Celui-ci concerne donc seulement les auteurs-compositeurs qui sont éditeurs de leurs propres œuvres mais il est plus communément négocié entre éditeurs.
Il permet à l’éditeur original de l’œuvre (qui possède alors les droits de l’œuvre pour le territoire “Monde”) de négocier avec un éditeur étranger pour l’exploitation et la promotion de l’œuvre sur un territoire précis (ex : Le Canada). Le sous-éditeur pourra donc déclarer l’œuvre sur son territoire, faire le suivi des redevances et promouvoir l’œuvre en échange d’une commission sur les redevances générées sur ce territoire.
L’avantage pour l’éditeur original réside dans l’obtention d’aller chercher plus rapidement les redevances liées à l’exploitation de l’œuvre tout en étant présent sur un territoire qu’il ne contrôle pas.
C’est le contrat le plus intéressant pour les auteurs/compositeurs désirant se détacher de toute l’administration qu’engendre la gestion de leurs droits. L’éditeur se charge seulement d’enregistrer et de faire un suivi sur les œuvres auprès des sociétés de gestion (et parfois des droits voisins), tout en réalisant des rapports de comptes (mensuel, trimestriel ou semestriel) suivant les modalités du contrat signées avec les auteurs/compositeurs.
Conclusion
Voici donc un survol des différents contrats dans l’édition musicale que vous pourriez avoir sous les yeux. Un éditeur est un partenaire de confiance vous permettant de développer votre carrière d’auteur/compositeur grâce à son appui financier, la gestion de vos droits et son réseau professionnel. Il est donc important de comprendre son travail pour collaborer le plus efficacement possible tout en gardant à l’esprit la protection de votre patrimoine intellectuel.
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[…] – « Edition musicale : comment bien négocier son contrat? », Hugo Loïs, Groover Blog, Nov 2020 […]