Leader mondial du marché du streaming musical, Spotify a annoncé le lancement d’une nouvelle fonctionnalité qui va encore secouer l’industrie musicale. L’entreprise suédoise met un point d’honneur à travailler sur l’expérience artiste comme on l’a vu avec Spotify for Artists. La plateforme ne compte pas s’en arrêter là. Elle lance en bêta sa nouvelle fonctionnalité : la possibilité pour les artistes de mettre en ligne leur musique sur la plateforme, sans intermédiaire.
Qu’est-ce que ça change ? On vous explique ça tout de suite !
Spotify fait un pas de plus vers le DIY musical
L’auto-production se développe inexorablement. Faute de trouver un label – ou bien d’en vouloir un pour des questions de contrôle de leur projet musical -, de plus en plus d’artistes gèrent de A à Z la production, la diffusion et la promotion de leur musique.
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Avant assurée par les labels, la distribution a été bouleversée par l’arrivée des distributeurs digitaux tels que TuneCore, CDBaby, Ditto, Zimbalam, IMusician, Believe, IDOL, Spinnup ou Wiseband. Pour une somme modique ou une part de leurs royalties, n’importe quel artiste peut à présent diffuser sa musique sur les plateforme de streaming telles que Apple Music, Deezer ou Spotify, dans certains cas en conservant l’intégralité de leurs royalties (notamment sur TuneCore et Spinnup qui facturent un frais fixe tournant autour de 10€ par titre par an).
Avec cette nouvelle fonctionnalité, Spotify propose de sauter la case distributeur digital. Comme sur SoundCloud, les artistes pourront eux-mêmes mettre en ligne leurs titres. Dans la lignée de Spotify for Artists, ils pourront également avoir accès aux statistiques relatives aux contenus publiés.
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Une nouvelle distribution des revenus, sans intermédiaire
En terme de distribution des revenus, cette nouvelle fonctionnalité changerait la donne. Aujourd’hui, 50% des revenus de Spotify sont reversés aux artistes (les fameuses royalties), 50% conservés par la plateforme suédoise. Traditionnellement, en cas de passage par certains distributeurs comme Believe ou Wiseband, une commission peut être prélevée sur les revenus du streaming reversés aux artistes, soit X% des 50% revenant à l’artiste. Si l’artiste est également signé sur un label, ce dernier prélève une part plus importante de ces 50% perçus par l’artiste et en reverse une partie au distributeur digital.
Un nouveau cas de figure est maintenant possible. Si un artiste en auto-production sans label met en ligne sa musique directement sur Spotify, sans faire appel à un distributeur, il partagerait seulement avec Spotify les revenus générés par le streaming. Concrètement, 50% des revenus générés par cet artiste sur Spotify (= l’intégralité de ses royalties générées sur Spotify) reviendraient directement à l’artiste.
In fine, la nouvelle fonctionnalité proposée par Spotify revient à changer le modèle de répartition des revenus générés par le streaming. On passerait d’un modèle à 3 ou 4 acteurs – Spotify, l’artiste, (le label), le distributeur digital – à un modèle à 2 acteurs – Spotify et l’artiste.
Spotify ou la stratégie du coup de pied dans la fourmilière
En parallèle, outrepassant le sacro saint privilège des majors, Spotify propose déjà à certains artistes indépendants prometteurs des contrats de licensing leur permettant d’assurer eux-mêmes leur diffusion et facilitant leur promotion via les playlists phares de la plateforme.
Cette nouvelle fonctionnalité est un pas de plus vers la remise en cause de la légitimité des labels et distributeurs, qui étaient auparavant intermédiaires incontournables. Spotify propose aux artistes de toucher l’intégralité des revenus générés par le streaming – déjà bien maigres – et ainsi d’éviter la commission des labels et distributeurs.
La question de l’avenir des distributeurs digitaux se pose. Pour rendre disponible sa musique sur toutes les plateformes, ils demeurent essentiels. En revanche, si les autres plateformes s’alignent sur Spotify, pourquoi avoir recours à eux ?
Ce qui est plus sûr, c’est que cette nouvelle fonctionnalité pourrait provoquer un remaniement dans le monde des plateformes de diffusion de contenu audio. SoundCloud et BandCamp, très utilisées par les artistes en auto-production, risquent de pâtir de cette nouvelle fonctionnalité.
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Des changements, certes, mais pas de dynamitage en vue
Le rôle des labels évolue
Spotify s’inscrit dans le mouvement de décloisonnement progressif entre les artistes et leur fan base, remuant les acteurs traditionnels de l’industrie musicale. L’auto-production est de plus en plus plébiscitée pour la liberté artistique qu’elle permet. Cependant, les labels restent des acteurs de prestige recherchés, offrant une force de frappe très importante. Même dans le monde de l’auto-production, la problématique de la gestion de la communication, de la promotion et de la distribution peut devenir très vite hors de contrôle pour ces artistes. En cas de succès, le label reste souvent une case incontournable pour passer un cap dans sa carrière d’artiste.
Les distributeurs digitaux, toujours essentiels
Le sort des distributeurs digitaux n’est pas encore réglé. Même si on peut imaginer à plus long terme un alignement des autres plateformes sur ce mode de fonctionnement totalement décloisonné, les artistes en viendront-ils pour autant à uploader leur musique sur chaque plateforme, une par une ? Ce serait une grosse perte de temps, et il est plus vraisemblable que les artistes passent toujours par des agrégateurs pour apparaître sur l’ensemble des plateformes à des prix qui restent faibles. Entre temps, ceux-ci seront peut-être devenus complètement gratuits, monétisant uniquement auprès de plus gros acteurs toutes leurs données de streaming collectées.
Rendre sa musique disponible, OK. Et maintenant, comment sortir du lot ?
La question important que ce débat fait jaillir est celle du changement des acteurs charnières dans la promotion des artistes. La barrière à l’entrée de la diffusion n’est plus un obstacle pertinent, celle-ci est devenue accessible à quasiment tous pour des prix relativement faible (pour rappel, 9,99€ pour un single sur Spinnup ou Tunecore, bientôt 0€ sur Spotify avec cette nouvelle fonctionnalité).
C’est la problématique du content shock qui est centrale : comment sortir du lot et se distinguer au milieu d’une offre de musique pléthorique ? L’enjeu est à présent d’arriver à rendre visible sa musique grâce aux nouveaux prescripteurs : les influenceurs musicaux ayant une légitimité auprès des internautes. Plus que de mettre en ligne des titres sur les plateformes de streaming, c’est le fait d’être recommandé par des médias, des playlisters indépendants, des chaînes Youtube qui compte désormais. L’essence de Groover est justement de rendre ces contacts plus fructifiants et générateurs de valeur pour les artistes.
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Pour le moment, la nouvelle fonctionnalité de Spotify n’en est encore qu’à ses balbutiements. Après une phase de test auprès d’artistes pilotes, elle devrait être accessible à tous. Affaire à suivre !